Les autorités françaises envisagent une solution radicale pour faire face à la grave surpopulation des prisons : louer des cellules dans d’autres pays européens. Cette idée, proposée par le président Emmanuel Macron lors d’une interview sur TF1, suscite un certain intérêt, mais elle rencontre également des critiques de la part des professionnels du secteur pénitentiaire qui soulignent les défis logistiques, juridiques et éthiques qu’elle poserait. Dominique Simmonot, contrôleur général des lieux de privation de liberté en France, a évoqué l’exemple des Pays-Bas, qui avaient récemment lutté avec un projet similaire de location de lits de prison à la Belgique, mais qui a échoué en raison de complications liées aux lois et aux visites familiales.
Avec plus de 82 900 détenus pour seulement 62 000 cellules, la France souffre d’une crise sévère de surpopulation carcérale, se classant parmi les pires pays d’Europe dans ce domaine, juste derrière Chypre et la Roumanie. Annabelle Bouchet, du syndicat SNEPAP-FSU et probation officer expérimentée, a exprimé des doutes quant à la faisabilité de cette idée, citant des contraintes budgétaires et la distance qui compliqueraient la réinsertion des détenus. Selon elle, envoyer des condamnés loin de leurs familles et de leurs réseaux de soutien nuirait à leur réhabilitation à long terme.
Par ailleurs, Bouchet souligne que les ressources financières de l’État français sont actuellement en difficulté, rendant difficile toute solution impliquant des coûts supplémentaires pour le transfert des détenus à l’étranger. Elle met également en avant la nécessité de repenser les approches pénales, affirmant que de nombreux détenus souffrant de problèmes de santé mentale ou de dépendance ne devraient pas être en prison. Au lieu de cela, des alternatives telles que des peines de substitution, ainsi qu’un meilleur accompagnement en santé mentale, pourraient contribuer à réduire la population carcérale.
Cette proposition de location de cellules n’est pas unique ; d’autres pays européens ont déjà exploré cette voie. Entre 2010 et 2016, la Belgique a loué 680 places de prison à Tilburg, aux Pays-Bas. En 2021, le Danemark a signé un accord de 10 ans pour la location de 300 cellules au Kosovo. De son côté, l’Estonie a manifesté son intérêt pour louer des espaces vacants dans ses prisons, espérant générer jusqu’à 30 millions d’euros par an. Ces exemples montrent que malgré des précédents internationaux, les défis demeurent complexes tant sur le plan juridique que logistique.
Actuellement, le coût quotidien pour la France par prisonnier varie de 100 à 250 euros, ce qui représente un investissement considérable par rapport aux tarifs négociés internationaux, comme dans le cadre de l’accord danois-kosovar qui atteint près de 200 euros par jour. La location de cellules de prison s’accompagne également de défis financiers liés aux frais de personnel, comme le démontre le partenariat précédent entre la Belgique et les Pays-Bas, qui s’élevait à 40 millions d’euros par an.
Malgré les tentatives de Macron de relancer le débat sur la construction de nouvelles unités pénitentiaires pour répondre à l’urgence, des experts du système soulignent que ces solutions temporaires ne règleront pas les problèmes sous-jacents de surpopulation carcérale. Ainsi, des approches plus humaines et durables devront être envisagées pour non seulement réduire le nombre de détenus, mais aussi favoriser leur réinsertion réussie dans la société.